Interview avec Elkir (Lonely Me)
L’entrevue s’est déroulée avec les fondateurs de Mr. Six Studio, à savoir :
– Marc Berthet (directeur artistique 3D) ;
– Sylvain Incrociati (programmeur) ;
– Vincent Lacoste (programmeur) ;
– Jessy Rochdi (artiste 3D).
Notre projet, intitulé Lonely Me, est un jeu gratuit de type puzzle/réflexion prévu sur mobile. On y joue Élise, une petite fille enfermée dans ses propres rêves, elle peut s’en échapper en détruisant les plateformes sur son chemin en sautant dessus.
(Sylvain) : Le gameplay est tiré d’un jeu flash auquel j’avais joué il y a de ça quelques années. Je n’ai pas réussi à retrouver le nom, et je me suis dit que ça pourrait être intéressant de le recréer en y ajoutant d’autres mécaniques.
(Marc) : La direction artistique s’inspire fortement, et quasi exclusivement, de celle de Genshin Impact : interface utilisateur, modèles 3D en cel shading reprenant les codes de l’animation japonaise moderne. La mise en forme des différents mondes et apparences d’Élise fut guidée par diverses sources et thématiques : American McGee’s Alice ; Ori and the Blind Forest ; Celeste ; les Magical girls, notamment la série Precure ; le Japon ; la gourmandise ; la musique ; la lecture ; les styles vestimentaires alternatifs. Il s’agit d’une liste non exhaustive.
À la différence de beaucoup de jeux mobiles de type puzzle/réflexion, le joueur incarne un personnage qu’il déplace, le rendant plus proche d’un jeu d’aventure.
La méthode de résolution des puzzles est également inédite : comme précisé plus tôt, Élise doit sauter sur chaque plateforme comportant un numéro, qui diminue lorsqu’elle la quitte, et une fois arrivée à zéro, celle-ci se détruit. Il faut donc trouver le bon chemin pour réussir à toutes les détruire.
À mesure que le joueur progresse, il va rencontrer de nouvelles plateformes lui proposant des challenges variés et rythmés.
Le jeu est prévu pour être le plus accessible au plus grand nombre. Toutefois, pour les joueurs qui recherchent du challenge, nous avons intégré un système de difficulté qui les poussent à compléter les niveaux en faisant le moins de changement de direction possible, donnant ainsi plus de récompenses. Un même niveau peut ainsi être résolu de plusieurs façons.
Différents boss font également leur apparition dans l’aventure, changeant les règles de déplacement par exemple.
Les plateformes elles-mêmes peuvent changer complètement la façon d’appréhender les niveaux, certaines font téléporter Élise, ou encore la font rebondir dans une certaine direction, voire même changer le type de jeu pour des niveaux basés sur les réflexes.
Pour les joueurs, il s’agit de terminer les 160 niveaux de campagne (et les 100 niveaux bonus).
Pour nous, il s’agit de notre premier jeu après nos études, et nous voulions acquérir de l’expérience dans l’édition et la vente de jeux vidéo.
Nous ne cherchons pas la rentabilité, mais une façon de jouer aux jeux mobiles plus agréable. Ainsi, notre jeu est gratuit, avec un système de publicité, mais non intempestive et surtout non obligatoire : tous les cinq niveaux, le jeu va proposer au joueur de regarder une pub pour multiplier ses récompenses par cinq, sans l’engager.
D’autre part, le joueur peut customiser l’apparence d’Élise grâce aux récompenses obtenues en jeu ou en payant, mais ne l’entrave pas dans la progression du jeu.
Dans un premier temps, le jeu sortira sur Android. En fonction des retours, l’étape suivante logique serait de le sortir sur IOS, puis Steam, mais pour ce dernier une révision complète du jeu sera à faire.
Idéalement, nous voudrions concevoir un éditeur de niveau, pour que les joueurs puissent créer et partager leurs niveaux, apportant une grande durée de vie au jeu.
Si les retours sont positifs et nombreux, nous ajouterions des niveaux, des skins.
Après tant d’années à travailler sur ce projet, nous avons envie de découvrir d’autres types de jeu, nous allons certainement entreprendre la conception du prochain à la sortie de Lonely Me.
Nous avons le plaisir d’avoir pu compter sur le travail de Jean-Gabriel Raynaud, un compositeur de film/jeux/trailers pour certaines pistes de Lonely Me (Thème principal et musique de boss).
De manière générale, la musique n’est pas trop présente dans les niveaux, ce sont plutôt des nappes à la manière de Hammock.
Outre le fait que ces sons d’ambiances ne déconcentrent pas le joueur dans sa réflexion, ils apportent également un ton lourd, similaire à une expérience de mort imminente.
Le travail sur les effets sonores va chercher la satisfaction chez le joueur.
Le jeu devrait sortir courant juin 2023.
Nous sommes quatre :
Marc (directeur artistique 3D) ;
Sylvain (programmeur) ;
Vincent (programmeur) ;
Jessy (artiste 3D).
On utilise de nombreux outils, mais en général le travail se découpe de la façon suivante : une mécanique est pensée, puis doit faire consensus, ensuite Sylvain et Vincent font la partie programmation, Marc fait la conception artistique et Jessy réalise le travail.
Lorsque nous sommes sortis de l’école à la suite d’un projet de fin d’étude réalisé sur Unreal Engine, nous étions trois à travailler sur un autre projet, très ambitieux, toujours sur Unreal.
Sylvain nous a rejoints ensuite, mais étant surtout formé sur le moteur Unity, nous avons décidé de passer sur un projet plus court (qui a duré 3 ans au bout du compte) afin de le former sur Unreal Engine.
Ce choix de moteur a apporté son lot de complications : même s’il est possible de développer un jeu sur mobile, la documentation est cruellement manquante, les paramètres par défaut du moteur sont trop gourmands pour un simple téléphone, et enfin faire le lien entre Google, Android et Unreal a été un véritable défi.
(Sylvain) : Réalisez vos idées avant d’en créer de nouvelles. On a souvent tendance à vouloir ajouter des choses au dépend d’autres.
Il ne faut également pas hésiter à “tuer” ces idées : on aimerait faire toujours plus et rajouter plein de choses, mais ce n’est pas toujours un bon plan. Notre projet par exemple devait prendre seulement 6 mois et a pris 3 ans car nous n’avons pas toujours su nous arrêter.
(Marc) : Ayez un petit pécule de côté et soyez patient, anticipez et voyez plus large sur votre planning : on peut rapidement prendre la mauvaise habitude de ne pas respecter les deadlines, parfois à juste titre.
Ne culpabilisez pas à l’idée de régulièrement apporter des révisions à vos créations : c’est le processus naturel d’un projet qui s’étend sur plusieurs années. Tirez-en profit pour faire mûrir votre réflexion sur des éléments qui vous semblaient nébuleux aux premiers abords.
Ne négligez pas les relations avec vos proches, ne vous isolez pas. Prenez soin de votre alimentation, prenez le temps de vous faire plaisir en faisant mijoter de bons petits plats, ça aide à conserver l’humeur.
(Vincent) : Partez toujours d’un scénario bien écrit, même l’histoire la plus simple pour un jeu sans histoire ne doit pas laisser de place au doute ou à l’interprétation, car toute l’équipe va s’appuyer dessus à un moment de la production.
Pour la partie préproduction, celle-ci n’est jamais assez longue.
Même si c’est très tentant de commencer à créer le jeu, il va de toute façon subir au moins deux itérations sur chaque partie. Il est utile de faire une bible de références, ou une vidéo montage de deux minutes, pleine de référence, pour s’assurer que tout le monde avance dans la même direction. Enfin, l’U.I. (Interface Utilisateur) même très simple, prend beaucoup beaucoup de temps, ne pas reporter à la toute fin.